Début juin 2022, l’école de gestion IHECF de Rennes a organisé une conférence avec le cabinet d’expertise comptable Actu Elles et l’APEC. Le but était d’échanger avec les étudiants sur le marché de l’emploi et plus précisément sur les secteurs de la comptabilité et de la finance. Nous vous avons fait une retranscription.
Pouvez-vous chiffrer le marché de l’emploi ?
L’APEC : notre ambition est d’accompagner les cadres de la sortie des études (voire pendant les études à partir du BAC +3) jusqu’à la retraire des uns et des autres, parce qu’on sait qu’un parcours aujourd’hui est de plus en plus fluctuant. De plus, les cadres s’adressent davantage à nous sur des questions d’évolutions professionnelles. Pourquoi ? Parce que le marché est très porteur. On l’a vu parce qu’on fait des études, et l’une des dernières sorties concerne les cabinets de recrutement, et on a vu que la Bretagne se démarquait des autres régions. En effet, si en 2019 tout le monde était bien positionné, en 2020 il y a eu une baisse des recrutements de 19% au niveau national, et en Bretagne il était de 0.5%. En 2022, on est toujours sur les chiffres plus développés que les autres régions de France, avec une croissance de 11%, ce qui nous donne 9 000 recrutements de cadres en Bretagne.
Sur le recrutement, sur 1 an entre mai 2021 et 2022, il y a eu 20 800 offres d’emploi qui ont été diffusées en Bretagne, dont 5 400 qui été ouvertes aux jeunes diplômés, c’est-à-dire environ 25%, et 15% étaient dans la section gestion finance administration. Il y a une vraie inflation sur ces fonctions-là. Cependant, ce n’est pas le premier domaine recherché : le 1er en Bretagne c’est l’informatique et le 2nd c’est le commercial et le marketing.
Pourquoi il y a autant d’offres sur le marché en comptabilité ?
Actu Elles : Il peut y avoir du turn-over. C’est assez fréquent dans le secteur de la comptabilité. En effet, plus le cabinet est gros, et plus c’est le cas. Certaines personnes viennent justement dans ces grosses structures pour y développer une expérience et y faire ses armes pour la suite. Pourquoi le turn-over ? Puisque le rythme de travail est assez intense. Et pendant un certain nombre d’année aussi, les rémunérations n’étaient pas celles qui y a en entreprise. Donc les candidats avaient tendance à partir.
Il y a un changement aussi dans les jeunes qui sont là depuis 2/3 ans. Le métier de comptable n’est pas très vendeur, ça ne donne pas envie. Et je suis aussi là pour défendre ça, parce que dans ce métier finalement ce n’est pas que du chiffre, on fait du relationnel. Selon son caractère, son tempérament, ses envies, on peut faire des métiers très différents, même en cabinet. Que ce soit en finance ou compta pure, il y a moyen de faire des choses complétement différentes et les rendre intéressantes. En plus de cela, on est beaucoup aidé avec le digital, on ne fait plus le même métier qu’un comptable il y a 5 ans, on intègre énormément les flux et ça va être encore plus le cas quand la facture électronique va être obligatoire, et c’est tout proche : en 2024. Ça veut dire que les métiers vont vraiment évolués et se transformer, et on va être dans la recherche de l’accompagnement du dirigent.
Adil Mekboul, directeur IHECF Rennes : il y a aussi un nombre de départ important de l’ancienne génération d’experts comptables et il n’y a pas assez de candidats pour les remplacer tous. Donc ça pose un problème aux cabinets pour trouver de nouveaux experts comptables associés. De plus, le métier devient très technique par rapport à avant. En effet, on pouvait recruter quelqu’un et le former en interne « sur le tas » comme on dit. Maintenant ça demande quand même un minimum de compétences et prérequis, qui peut être un frein pour certain candidat.
APEC : vu comme c’est compliqué de recruter en ce moment, 47% des entreprises en 2021 ont accepté les prétentions salariales des candidats. Le rapport de force est donc inversé. C’est donc à vous de faire votre choix, et notamment sur l’entreprise ou le cabinet : grand groupe ? petit cabinet ?
Justement, comment on choisit notre 1er travail ?
Actu Elles : il faut savoir que le choix du 1er poste est important. Vous avez la chance aujourd’hui de pouvoir le choisir puisqu’il y a plein d’offres. Profitez-en pour sélectionner ce dont vous avez envie. Là, aujourd’hui, cherchez et renseignez-vous, posez des questions : qu’est-ce qu’ils vous proposent ? Soyez curieux. Le salaire c’est une chose, mais ce n’est pas que ça. Alors oui c’est important et vous avez la chance de pouvoir demander une rémunération que vous trouvez juste par rapport à votre examen, votre âge et votre expérience. Maintenant, il ne faut pas oublier le reste : les avantages à côté, le fonctionnement de l’entreprise avec le télétravail ou non, les outils mis à disposition, les heures supplémentaires prises en compte ou pas, le bien-être des salariés,… donc renseignez-vous.
APEC : le télétravail aujourd’hui est un vrai levier pour les cadres. Il faut savoir que 47% des cadres nous disent qu’ils ne vont pas aller dans une entreprise qui ne proposeraient pas de télétravail. Et inversement pour les entreprises, elles savent que si elles ne proposent pas de TT, elles vont perdre 20% de cadres. C’est une vraie attente.
Il y a aussi une différence entre les grands groupes et les petites structures, c’est le temps du cycle de décision qui peut être plus court dans les petits cabinets que dans de grandes entreprises. Le temps que l’information remonte les différents échelons, la prise d’initiative est peut-être plus rapide et facile dans des structures réduites.
Et concernant la rémunération ?
Actu Elles : il faut savoir qu’on peut débuter avec un salaire assez bas par rapport à un BAC +5, mais la progression se fait au fur et à mesure. Si on est satisfait d’un collaborateur, il n’y a pas de raison.
APEC : Pensez aussi à la rémunération globale, et pas salaire uniquement. Ça veut dire participation, intéressement, primes. Et ça peut faire de grosses différences d’une entreprise à une autre.
Le salaire se négocie ?
Actu Elles : ça dépend de chaque cabinet puisqu’ils sont tous différents. Par exemple chez nous, la personne qui arrivera, n’aura pas plus que celle qui est en poste et qui est là depuis 2/3 ans. Il existe une sorte de grille interne pour nous donner une idée de salaire. Il est important que la personne ait le temps de mettre en avant ses compétences.
APEC : c’est l’offre et le marché aussi qui va déterminer cela. Le secteur peut aussi varier : si vous êtes contrôleur de gestion dans une entreprise industrielle, on sait que les rémunérations dans l’agroalimentaire est moindre par rapport à un contrôleur de gestion dans un autre secteur de l’industrie ou des services.
Est-ce qu’on peut demander directement un haut salaire ou ça peut faire peur au recruteur ?
Actu Elles : je pense que c’est la forme qui compte. Si un candidat arrive en imposant les choses, ça peut être mal perçu. Si vous arrivez à argumenter, à justifier votre demande, qu’il y a une pénurie de candidats, que vous êtes prêts à vous challenger sur un poste, à accepter les missions proposées,… pourquoi pas. C’est une discussion en fait, il ne faut pas qu’il y ait un rapport de force.
Il faut savoir qu’un nouveau collaborateur est un cout pour l’entreprise. Si on pense qu’on va miser sur cette personne et qu’elle va vous apporter plus qu’elle ne nous coute, il faut y aller. Maintenant il y a le challenge : si vous demandez plus, ils vous demanderont aussi plus.
Le DCG est-il important ? Parce qu’il n’est pas forcément très valorisé au départ
APEC : c’est votre assurance vie parce que si le marché se retourne du jour au lendemain, on l’a vu il y a quelques années, ce qui est demandé c’est le diplôme, même pour des personnes expérimentées.
Actu Elles : le DCG (Diplôme de Comptabilité et Gestion) et DSCG (Diplôme Supérieur de Comptabilité et Gestion) sont durs parce que c’est la voie royale pour l’expertise comptable. En France, le diplôme est très important, à l’inverse des américains par exemple. Et surtout dans notre secteur. Cependant, aujourd’hui vous avez la chance de pouvoir faire évoluer les rémunérations de jeunes diplômés.
APEC : si au départ, vous trouvez que votre diplôme n’est pas assez valorisé, sachez qu’après il le sera.
Actu Elles : pour mon cas, j’ai travaillé en entreprise et en cabinet. D’abord j’ai fait de la grosse entreprise et après je me suis dirigée vers le cabinet. Quand j’ai travaillé en entreprise, j’ai trouvé qu’on était trop segmenté. Je savais que je voulais une ouverture totale, et c’est ce que le cabinet m’offre, et ça me convient. Après chacun à son profil, mais je pense qu’avoir un diplôme c’est nécessaire. Ça va vous permettre d’avoir des bases de connaissances, ça veut dire qu’une fois que vous avez commencé à travailler vous serez motivés par ce que vous faites, vous allez développer des attitudes de travail donc vous allez apprendre plein de choses nouvelles.
On apprend beaucoup les 10 premières années de sa vie professionnelle. Et c’est la que vous allez mettre à profit votre capacité à travailler. Vous allez avoir l’impression d’apprendre tout le temps, parce que c’est pas du tout la même chose que l’école, ça n’a rien à voir. Mais vous aurez forgé cette attitude à travailler donc vous serez prêts et vous aller faire plein de choses différentes. L’avantage c’est que vous avez une opportunité d’offres, donc profitez-en.
Mais c’est vrai que si on parle de reconnaissance du diplôme, entre un diplôme d’ingénieur et un DSCG, ça n’a rien à voir. Et c’est aussi mon objectif de valoriser ça.
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