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Les femmes dans l'expertise comptable

Comment expliquer les inégalités entre les hommes et les femmes dans les métiers de l’expertise comptable ? Est-ce que ce sont des métiers qui attirent moins les femmes ? Est-ce dû à des freins dès le processus de recrutement ? Ou est-ce les femmes elles-mêmes qui se mettent des limites ?

Retour sur la conférence qui s’est tenue le mardi 4 avril au sein du campus IHECF Angers sur le thème de la place des femmes dans les métiers de l’expertise comptable et financière. Une conférence organisée en collaboration avec l’ANECS et CJEC Pays de Loire, ainsi que l’association Femmes Experts-Comptables.

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Le programme de la conférence comprenait :

  • La présentation des données chiffrées concernant les femmes dans le milieu professionnel
  • Le lancement de la conférence par Cécile Delrue, directrice IHECF Angers
  • Une première partie avec Odile Charroux, psychologue du travail, qui s’est penchée sur les limites que les femmes se mettent vis-à-vis de ces métiers
  • Un premier micro-trottoir réalisé par les étudiants en communication
  • Une deuxième partie avec les témoignages d’expertes-comptables : Gaëlle Mourad, membre de la commission numérique, Sarah Pottier, toutes deux membres de l’association Femmes Experts-Comptables, Aurélie Doucet-Ménard, présidente de la CJEC et Laure Bertho, présidente de l’Annexe (Association des experts-comptables stagiaires) 
     

Intervention d'Odile Charroux, psychologue du travail

Notion de plafond de verre

Le plafond de verre est une notion qui désigne les obstacles invisibles qui empêchent les femmes d’accéder à des postes à responsabilité. Des réflexions et des outils sont nécessaires pour dépasser ce phénomène.

Chiffres clés

On constate que des progrès ont été réalisés en matière de place des femmes dans le monde professionnel et dans la société en général. Il y a 50 ans, les femmes n’avaient pas le droit d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari. Et il a fallu attendre janvier 2013 pour que la loi de 1800 interdisant le port du pantalon aux femmes soit officiellement abrogée.

Les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons et il y a plus de femmes diplômées de l’enseignement supérieur. En effet, 56% des diplômés sont des femmes. Cependant, il est important de se poser la question de ce qu’elles deviennent après avoir obtenu leur diplôme, car il y a une disparité entre le nombre de femmes sortant de l’université et leur représentation dans les postes à responsabilité ou les hautes sphères professionnelles.

Premier plafond de verre : La culture de l’entreprise masculine

C’est à partir de ces questions-là, qu’Odile Charroux est allée creuser en s’appuyant sur des travaux de la sociologue Aude Rigault et du livre « Les couilles sur la table » de Victoire Tuaillon. Elle a étudié les mécanismes qui expliquent la domination masculine dans les entreprises et comment cela se perpétue.

L’entreprise a été créée par des hommes pour des hommes et aujourd’hui, bien que les chefs d’entreprise disent vouloir des femmes compétentes à la tête, la notion de mérite reste très masculine. Être disponible très tard en réunion, pouvoir faire des déplacements, etc. sont des critères qui empêchent les femmes de grimper dans les échelons. Elles sont amenées à faire un choix entre leur carrière et leur famille, alors que les hommes ne font pas ce choix.

Les femmes qui décident de grimper dans les échelons ont un combat à mener, et souvent les femmes entre elles ne sont pas solidaires.

De plus, le comportement des entreprises perpétue les inégalités : les hommes coupent plus souvent la parole aux femmes, et les femmes qui coupent la parole sont mises à l’écart. Il faut donc se libérer de ces stéréotypes de genre pour permettre une véritable égalité professionnelle.

Deuxième plafond de verre : De soi à soi - Le syndrome de Cendrillon

Le complexe ou syndrome de Cendrillon a été décrit par Colette Dowling dans les années 80. Cette thérapeute a observé que les femmes étaient souvent empêchées d’accéder à des postes de pouvoir en raison de leur manque d’audace et de leur acceptation de conditions de travail inférieures. Les femmes peuvent avoir des complexes qui les empêchent de se valoriser et de se donner les moyens d’atteindre leurs objectifs professionnels.

Le plafond de verre le plus important est celui que l’on s’impose à soi-même. Cela peut être influencé par l’éducation, l’environnement et la culture, même depuis l’enfance. Les femmes doivent surmonter ces complexes pour réussir dans le monde professionnel. Elles doivent être capables de demander une promotion ou d’accéder à un poste de direction sans attendre que quelqu’un leur fasse la proposition.

Si une femme attend que quelqu’un lui propose une opportunité professionnelle, elle souffre du syndrome de Cendrillon. Pour réussir, il est important de se libérer de ce complexe et de prendre les devants pour atteindre ses objectifs professionnels.

Troisième plafond de verre : Perception de soi par le collectif et dans le collectif – Syndrome de la Schtroumpfette

Le troisième plafond de verre concerne la perception de soi par le collectif et dans le collectif, et est illustré par le syndrome de la Schtroumpfette, inventé par la féministe américaine Catapolite.

La métaphore : En 1967, la Schtroumpfette est la seule femme dans le village et elle n’est que femme. Aucun trait de caractère ne la représente au contraire des schtroumpfes qui, eux sont : gourmand, farceur ou encore dormeur… Et physiquement, la Schtroumpfette est blonde, en robe et en talon, un concentré de stéréotypes.

Ce syndrome se réfère à l’idée que dans l’inconscient collectif, les femmes sont souvent perçues comme étant seules et qu’elles doivent rester à leur place. Les stéréotypes de genre imprègnent notre culture depuis la petite enfance et peuvent affecter la façon dont les femmes perçoivent leur place dans la société. Les femmes doivent être conscientes de ces stéréotypes et de leur propre perception de soi pour surmonter ce plafond de verre.

Quatrième plafond de verre : Le syndrome de la reine des abeilles

Le syndrome de la reine des abeilles a été inventé par une équipe de psychologues américains dans les années 70. Il permet de réfléchir à la perception que l’on a des femmes au pouvoir, notamment en les associant à une reine des abeilles qui tue les autres et ne laisse pas de place aux autres femmes. Dans les années 70, les femmes avaient souvent une perception négative des femmes en position de pouvoir et préféraient être managées par des hommes. Le mythe persiste aujourd’hui, bien que les mentalités aient évolué.

6 clés pour faire exploser le plafond de verre

Voici les 6 clés pour faire exploser le plafond de verre, issues des travaux du livre « Et tu oseras sortir du cadre » de Myriam Cohen Vergracht :

  • Lutter contre ses propres biais et faire confiance en ses compétences pour gravir les échelons, sans attendre qu’on nous trace le chemin
  • Trouver son « il », c’est-à-dire un soutien inébranlable de son entourage pour se relever après les chutes
  • Choisir une entreprise qui respecte les valeurs et la vie de femme, avec le droit d’avoir des enfants et un équilibre vie pro / vie perso
  • Travailler efficacement en suivant la loi de Pareto pour avoir un équilibre vie pro / vie perso (20% de travail produit = 80% de résultat)
  • Se faire connaître en activant son réseau et en faisant savoir ses savoir-faire
  • Oser être soi-même pour être bon, en évitant de jouer un personnage et en restant authentique

 

Témoignages de Laure, Aurélie et Gaëlle

Le syndrome de l’imposteur 

Le syndrome de l’imposteur est un phénomène psychologique qui touche principalement les femmes et qui se caractérise par une peur intense d’être exposé comme un « imposteur » ou une personne qui ne mérite pas son succès, malgré des preuves évidentes de compétence et de réussite. Les personnes atteintes de ce syndrome ont tendance à douter de leurs capacités, à minimiser leurs réalisations et à craindre d’être découvertes comme des « fraudeurs ». Le syndrome de l’imposteur peut avoir un impact négatif sur l’estime de soi, la confiance en soi et les performances professionnelles. Il peut être traité par une thérapie et un travail sur l’estime de soi et la confiance en soi.

Le syndrome de l’imposteur concerne les femmes diplômées de l’enseignement supérieur qui poursuivent une carrière dans des fonctions à responsabilité. Par exemple, après avoir suivi une formation à l’IHECF, il est possible de faire un stage d’expert-comptable pendant trois ans tout en travaillant et en préparant le diplôme.

Quelques chiffres

Les inscriptions à l’Ordre des Experts-Comptables comptent actuellement 22% de femmes, alors que dans les diplômés, il y a 50% d’hommes et 50% de femmes.

L’association s’est penchée sur les raisons de cette perte de femmes après les études. En effet, il y a des contraintes liées à l’équilibre entre la vie personnelle et professionnelle, ainsi que des exigences en termes de présentiels qui ne garantissent pas toujours l’efficacité. La rémunération et les responsabilités sont également des freins, car les femmes ont parfois tendance à douter de leurs capacités à assumer de telles responsabilités.

Témoignage de Laure 

Laure, 24 ans, a suivi un parcours académique jusqu’au Bac+8 : Bac scientifique, licence, master et est aujourd’hui en dernière année de stage expertise comptable. Elle a fait de l’alternance et donc elle travaille depuis 5 ans.

Je n’ai pas été confronté à l’inégalité h/f, c’est principalement générationnel. Les hommes d’aujourd’hui savent que les femmes ont leur place plus tard et ils nous la laissent plus facilement que les hommes de l’époque. Même s’il faut toujours prendre notre place, donc il faut oser la prendre.

Témoignage de Aurélie

Aurélie, 33 ans, bac scientifique, DCG, DSCG et DEC en alternance.

Une fois diplômée, je me suis dit : est-ce que j’ai le droit de m’inscrire ? Mes collègues hommes ne se sont pas forcément posé la question, eux ! 

Ce qui m’a le plus marqué, c’est que mon mari s’est arrêté au DCG et jusqu’à ce que j’aie le DEC, il était plus payé que moi. Dans les cabinets, j’avais toujours plus de responsabilités que lui, mais j’étais moins payée. Actuellement, je suis à 80% et je suis inscrite à l’Ordre des Experts-Comptables et je suis plus payée que lui alors que lui est à 100%. C’est mérité !

Dans ses expériences professionnelles dans des cabinets, Aurélie a remarqué une évolution positive. Cependant, au début, elle a reçu des remarques sur sa tenue vestimentaire et sa présence physique. Lors de sa première grossesse en 2016, elle et son mari travaillaient tous les deux en cabinet avec des horaires tardifs, ce qui les inquiétait. Finalement, leur vision du travail a changé, les hommes souhaitant également avoir plus de temps pour leur famille. Aujourd’hui, les mentalités ont évolué et les hommes considèrent normal de partager les responsabilités familiales. Les conseils d’Audrey sont de s’entourer de personnes qui ont confiance en soi et de ne pas se laisser influencer par les peurs des autres.

Témoignage de Sarah

Sarah, 39 ans, diplômée depuis 2018 et a créé son propre cabinet en tant qu’experte-comptable depuis 2020. Elle a une expérience variée dans plusieurs cabinets d’Angers. Elle a rencontré des difficultés en tant que présidente de l’Annexe, en particulier avec d’autres femmes, en raison de la pression du plafond de verre. Elle est consciente que les femmes peuvent se faire concurrence entre elles. Cependant, son expérience de jeune maman montre que son conjoint l’a beaucoup soutenue. Elle souligne que l’exercice de la profession d’expert-comptable peut être très flexible en termes d’horaires de travail, en fonction du choix d’être dans un grand cabinet ou de travailler de manière indépendante.

Mon expérience en tant que présidente de l’Annexe n’a pas toujours été bien vécue par les autres et pour l’anecdote en particulier par les femmes. Parce qu’avec le plafond de verre, parfois, on se l’applique. Quand on est une personne avec de l’ambition, on peut faire peur !

Témoignage de Gaëlle

Gaëlle, Bac scientifique, DPECF, DECF et DESCF, dès la première, elle savait qu’elle allait devenir expert comptable.

A sa sortie d’école, elle a eu du mal à trouver du travail, malgré sa compétence et sa motivation, et elle a dû poster à plus de 400 offres d’emploi avant d’être embauchée à Nîmes.

Mon entretien se déroulait le samedi matin et le mardi, j’apprenais que j’étais prise et que je commençais dès le jeudi. En 24h, j’ai pris mon billet de train, trouver mon appartement sur minitel et je suis partie. […] Il y a 25 ans, les filles ne faisaient pas ça, partir à plus de 1000 kilomètres de chez elles. Comme quoi, quand on veut, on peut ! 

Elle a également souligné l’importance de réseauter et de faire partie de réseaux professionnels. Elle a aussi rappelé qu’il est important de faire des choix et de ne pas hésiter à s’écarter des chemins qui ne nous conviennent pas, comme elle l’a fait en abandonnant le commissariat aux comptes. Aujourd’hui, elle est experte-comptable, membre de la commission numérique et membre de l’association Femmes Experts-Comptables.

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Retrouvez la conférence complète ci-dessous :